L’humanisme face aux progrès scientifique et technologique

Une question de conscience individuelle et collective

La question de l’homme face au progrès des sciences et de ses applications n’a rien de nouveau. C’est ce qu’indique le mythe du sage Salomon[1], rappelé par l’humaniste de référence qu’a été RABELAIS[2] (science sans conscience…).

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Mais si l’homme sage n’est pas seulement un homme savant, la mise en avant, dans la conscience humaine, du fait qu’il n’y a pas véritablement de bien « en soi » ni sans l’homme[3], va faire son chemin péniblement, passant par des périodes de lumières, mais aussi d’obscurcissement.

Ainsi, si dès l’Antiquité, Protagoras déclare que l’homme est la mesure de toute chose, c’est seulement la Renaissance qui, en Europe, permettra de replacer l’homme, de manière générique, et le bien humain – et non seulement celui d’une élite - au centre des perspectives de développement. Cette question demeure une affaire de conscience et de sagesse individuelle et collective.

Depuis des temps immémoriaux, la sagesse nous invite à différencier les vérités de la science qui permettent, par les techniques de transformer la matière, et la justice humaine éternellement relative, quoi que pouvant faire l’objet de consensus dans l’agora, le forum, ou l’espace public. La sapience se définit ainsi par la sagesse, qui sait inclure la justice et l’amour de l’humanité à la science et à la puissance des connaissances.

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Quelle conscience avons-nous de la science et de ce qu’elle peut apporter aux hommes ? L’apparition tardive du terme[4] « humanisme » au XVIIIème siècle, tend à montrer que la conscience humaine a eu du mal à concevoir les contours d’un concept pourtant fondamental, à la fois pour la survie de l’humanité et la qualité de la vie des êtres humains. Le problème qui se pose ouvre donc une réflexion particulièrement complexe, puisque la définition et la consistance des différents termes du sujet évoluent dans le temps. Plus que de l’humanisme, c’est de la « conscience humaniste » qu’il s’agit, c’est-à-dire de l’attention portée. La question est donc celle de la vigilance exercée et de notre capacité à interroger l’organisation de nos sociétés et du monde sur ces points.

Humanisme et Lumières pour l'avenir

Pour tout le monde, il est admis que le mot humanisme désigne d’abord le mouvement intellectuel qui s’est épanoui en Europe au 16ème siècle et qui a marqué la Renaissance par le retour aux textes de l’Antiquité grecque et latine, dont les humanistes voulaient s’inspirer dans leur philosophie comme dans leurs méthodes. C’était un mouvement de pensée, caractérisé par un effort pour relever la dignité de l’être humain et mettre son esprit en valeur, en reliant par-dessus le moyen âge et la scolastique, la culture moderne à la culture antique.

Le terme d’humanisme lui-même ne date que de la seconde moitié du 19ème siècle, et en effet il apparut pour caractériser le mouvement intellectuel de la Renaissance, issu des idées de Pic de la Mirandole dans son célèbre discours « De dignitate hominis » (De la Dignité de l’Homme). On entendait alors l’humanisme, comme la recherche d’un idéal humain, tel que les Humanistes, d’Érasme à Montaigne, avaient cherché à le définir. Après Pic de la Mirandole et Érasme, les humanistes considéraient que l’homme doit se faire lui-même. Ils pensaient que pour devenir plus humain, il doit lui-même d’abord étudier l’homme. Ils proposaient enfin de le former, dans sa jeunesse, par une éducation « libérale », afin de développer toutes ses potentialités, et pour l’inciter à se prendre en charge lui-même.

Neurosciences et Liberté

L’homme moderne occidental, celui des Lumières, inaugure une nouvelle façon de penser la société et l’homme. La démocratie, porteuse de libertés, est issue de ces réflexions. Mais, dès le début de cette révolution, naît un courant contestataire qui revêt des formes diverses, mais qui nie la liberté humaine. Les neurosciences, qui étudient le cerveau humain de façon nouvelle, utilisant des moyens techniques modernes, apportent un éclairage nouveau sur ce débat. Ne sont-elles pas, cependant génératrices d'éventuels dangers?

Posthumanisme

  1. : TRANSHUMANISME : Fin ou régénération de l’humanisme ?

Récemment la firme multinationale Google annonçait qu’elle commanditait des recherches sur la possibilité de détecter à l’aide de marqueurs spécifiques les risques de cancer chez un être humain afin de prévenir le développement ultérieur de la maladie.

Cette intrusion du célèbre moteur de recherche dans le domaine de la nanotechnologie médicale peut étonner. Elle n’est pourtant qu’un aspect d’un mouvement beaucoup plus vaste, à la fois fascinant et inquiétant, sur lequel les humanistes que nous sommes doivent s’interroger.

Je voudrais revenir sur ce mouvement à partir de la livraison d’octobre de la revue Philosophie magazine et du livre du philosophe Jean-Michel Besnier Demain les posthumains, paru en 2009.