Altérité, humanisme et fraternité

Le problème de l'altérité[1] abordé ici, c'est notre rapport à l'Autre, la dialectique de Soi et Autrui, de l'identité et de la différence, de l'aliénation de l'Autre ou de la trahison de Soi. En simplifiant, la question pourrait être la suivante : Faut-il voir dans l'Autre un semblable à soi-même ou bien un étranger radicalement autre ? Ou encore : Pour accepter l'Autre, peut-on se contenter de s'attacher à ce qu'il a de commun avec soi, ou bien doit-on le considérer essentiellement dans ce qu'il a de différent ? Et dans ce dernier cas : En quoi une telle conception de l'altérité, c'est-à-dire d'un rapport à l'Autre fondé sur la considération de la différence, et non sur la reconnaissance de la similitude, peut-elle conduire à un débat sur l'humanisme et la fraternité humaine ?

La mise en valeur des différences n'est-elle pas en contradiction avec la prétention de l'humanisme, qui veut offrir à tous les êtres humains des valeurs universelles communes, autour desquelles l'humanité entière serait appelée à se rassembler en fraternité ?

Au fond, le problème peut être ramené à trois questions :

Comment s'établit le rapport à l'Autre ?

Comment faut-il résoudre le conflit des différences ?

Face au problème de l'altérité, quelle est la position de l'humaniste ?

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En premier lieu, donc, demandons-nous comment se forme en nous notre idée de l'Autre ?

Le « Je pense, donc je suis » de Descartes[2] est le point de départ de la réflexion moderne sur ce problème. Il exprime la conscience de soi du sujet pensant : Je suis la chose qui pense.

Mais tout de suite, on voit que la pensée ne peut pas être conçue dans le néant. Je ne peux penser que ce que le moi qui pense perçoit hors de lui. Mon corps lui-même, je ne peux le penser que parce que je le perçois. D'où l'idée que si par ma pensée je suis, c'est seulement parce que tout le reste est. D'où le sentiment que mon être est indissociable de l'Être dans son ensemble. Tout ce que je perçois, c'est-à-dire mon monde tout entier, est intégré dans le moi qui pense. Mais quand j'analyse le processus par lequel je m'assimile le monde : perception, identification, conceptualisation c'est-à-dire mise en mots, je vois bien que la réalité de ce qui m'est étranger, ne peut jamais m'être connue en elle-même. L'autre n'est jamais qu'une représentation dans mon esprit, une représentation à laquelle j'ai donné une signification.

L'autre humain, que j'ai identifié comme mon semblable, est lui aussi parmi les objets auxquels j'ai ainsi donné un sens. Et celui que dans un premier temps j'ai perçu comme « un autre que moi », m'apparaît en définitive comme un semblable, un autre moi-même : « un alter ego ». Cet autre, je me le représente de manière analogique, et pour le considérer comme mon semblable, je l'interprète par rapport à ce qui est moi. La tentation est alors grande, de ne retenir que le semblable et de rejeter l'étrange différent.

 

Mais cet étranger, qui est mon semblable, me perçoit à son tour. Le problème devient alors celui de l'intersubjectivité. Il se résout par une dialectique, un débat entre sympathie et antipathie, entre accueil et rejet, entre la sollicitude qui assujettit l'autre et la sollicitude qui le laisse libre, lui reconnaissant le droit d'exister en tant que personne différente.

En même temps, j'ai besoin de l'autre pour saisir mon être. Car le regard que l'autre porte sur moi, me met en demeure de porter un jugement sur moi-même. L'autre est l'instrument au moyen duquel je reconnais ma personnalité.

Ainsi, l'existence de l'autre, que je ne suis pas, ouvre fatalement un débat conflictuel à partir des différences.

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Comment résoudre pacifiquement ce conflit des différences que doit affronter le Moi en présence de l'Autre ?

L'identité de l'autre, vue par moi, correspond à la signification que j'attribue à l'image qu'il me donne. Cette signification, lourde du contexte culturel d'où proviennent mes mots, est tributaire de la culture qui m'a conditionné ; tributaire aussi de la charge plus ou moins consciente de mes expériences personnelles antérieures. Enfin, l'autre est dans mon environnement. Il est un élément de mon environnement. Sa présence a donc pour moi une signification qui n'est pas indépendante de la situation dans laquelle je me trouve moi-même. La signification que j'attribue à l'autre dépend finalement moins de lui que de moi-même. C'est pourquoi cette signification que j'attribue à l'autre dépend d'abord de la façon dont je me situe moi-même dans l'univers.

Au premier abord, je me pense comme face à tout le reste, face à tout ce qui est autre, face à l'univers. Me voyant face à l'univers je suis tenté de me considérer à l'extérieur. Mais à la réflexion, je comprends que je suis un élément de l'univers et donc que je suis à l'intérieur. Je pense l'univers de l'intérieur.

Peut-on en déduire que, par là, l'expérience d'une philosophie transcendantale me serait rendue possible ? Qu'il existerait une sorte « d'expérience intime possible », une réflexion sans rapport avec la réalité, allant hors de notre monde chercher dans la transcendance, des explications sur le sens de la vie humaine ? Si c'était vrai, cela conduirait à considérer l'expression de l'Homme comme le langage parlé par « un esprit incarné » provenant de l'être universel animé par le divin. De cette façon, l'être total s'exprimerait, disent certains, à travers les artistes, les philosophes et les prophètes. La signification générale du monde s'exprimerait par leur voix, chacun arrivant plus ou moins près de la Vérité. L'artiste, le philosophe et le prophète, seraient ainsi, plus ou moins fidèlement, des porte-parole du divin. Mais pourquoi eux et seulement eux ?

Par opposition, la pensée contemporaine, écartant toute référence au divin, considère toutes les expressions comme vraies, mais inséparables de leur contexte. La signification est alors suggérée par l'événement, par les faits. La philosophie contemporaine de la signification, s'oppose ainsi à Platon. Car pour Platon, les significations préexisteraient. Elles seraient de toute éternité dans le monde transcendant, dans le monde divin, sous leur forme « idéale ». Les significations précèderaient ainsi le langage ; et la culture, n'en serait alors qu'une traduction approximative. Pour les spiritualistes contemporains comme pour Platon, le sens ne pourrait ainsi provenir que de la transcendance, c'est à dire d'un surnaturel extérieur. Et on pourrait ajouter : Auquel seuls les élus ont accès !

La question de fond reste donc finalement le débat entre transcendance et immanence. L'esprit, car c'est bien lui qui donne le sens, y compris le sens de la présence de l'autre, l'esprit est-il une émanation d'une entité surnaturelle, concevant et animant le monde et l'homme de l'extérieur ? Ou bien l'esprit est-il consubstantiel à la nature, dont il serait alors l'expression ?

Si je considère, parce que je pense l'univers de l'intérieur, que l'expérience de la transcendance est possible, alors je vais chercher la signification de l'Autre dans la transcendance ; soit que j'aie un contact direct dans le surnaturel, soit que je m'en remette aux interprètes autoproclamés de la transcendance.

L'objection, c'est que l'expérience doit toujours se fonder sur une réalité, observable par tout autre autant que par soi. Dans cette optique, le transcendant ne peut être que pure spéculation. On peut imaginer des explications métaphysiques. On peut croire à ce que l'on a imaginé. Mais il n'est pas possible de justifier expérimentalement une croyance métaphysique !

L'autre et moi-même nous sommes bien des éléments d'un même univers, et je comprends que nous sommes « frères en l'humanité ». Mais c'est seulement si j'ai la foi que je peux considérer que notre relation passe par Dieu, et considérer que retrouver le sens consiste à aller vers l'autre pour aller vers Dieu, que la relation allant de Moi à Autrui permet ainsi de « s'apercevoir de la nécessité où une méditation philosophique se trouve, de recourir à des notions comme l'Infini et comme Dieu[3] » ; et qu'il s'agit avant tout de voir l'Autre dans sa différence.

Peut-on affirmer que si ma méthode de réflexion s'interdisait toute visée transcendantale, je serais systématiquement tenté de convertir l'Autre, pour en faire le même que moi, et de revenir ainsi à l'esprit des colonisateurs ? Il faut se souvenir que les colonisateurs ont souvent été des religieux très portés sur le transcendant !

Certains[4] mettront l'accent sur la signification du visage, compris comme la trace de l'être transcendant. Le visage de l'autre s'impose, certes. Mais s'imposerait aussi « L'au-delà d'où vient le visage, et qui fixe la conscience[5]... » Le visage, serait ainsi la trace de cet au-delà de Moi et l'Autre dans la transcendance. Être à l'image de Dieu signifierait se trouver dans sa trace. Et aller vers lui ce serait aller vers les autres.

Ce point de vue sur le visage donne à réfléchir. L'expression du visage, c'est vrai, peut confirmer, infirmer ou infléchir, le sens de ce qui est exprimé et il est possible de lire sur le visage des choses non exprimées, des intentions cachées. Mais faut-il pour autant n'examiner le contenu d'une pensée, que dans le contexte du visage ? L'expression de la pensée ne mérite-t-elle pas d'être examinée pour elle-même ? Par ailleurs, pourquoi la trace de Dieu serait-elle particulièrement dans le visage, plus que dans toute la nature de l'homme ? Plus que dans toute autre créature ? Et doit-on comprendre aussi que certains visages humains sont, dans ce sens, plus marqués que d'autres par la trace de Dieu ?

Le visage est certainement la trace d'une dynamique naturelle : patrimoine génétique, éducation, culture, expérience vécue... Quant à y voir de la transcendance ? Il faut certainement avoir la foi.

Ce conflit des différences que doit affronter le Moi en présence de l'Autre, on pourrait donc se proposer de le dépasser en considérant que l'Autre, par sa différence, porte témoignage de la divinité et que c'est là, la signification de sa présence ; signification lue notamment sur son visage[6].

Faut-il donc nécessairement faire appel à Dieu pour résoudre le conflit des différences ? L'expérience humaine, jusqu'à ce jour, montre au contraire que placer la relation à l'autre dans le cadre d'une relation à Dieu, conduit le plus souvent les hommes à se battre.

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Face au problème de l'altérité, quelle peut être la position de l'humaniste ?

L'humanisme, propose de reconnaître l'homme comme valeur suprême, de mettre les valeurs humaines au-dessus de toutes les autres, y compris religieuses ; il considère que le Bien se définit par ce qui est bon pour l'être humain et pour l'humanité. La position humaniste permet-elle de résoudre le conflit des différences dans la relation à l'autre ?

Les humanistes ont coutume de porter leur regard sur l'autre en considérant ce qu'il y a de commun, de semblable, dans tous les humains. Leurs adversaires les accusent de vouloir ramener l'Autre au Même, et affirment qu'au contraire, la démarche inspirée par Dieu  serait le mouvement allant vers l'Autre librement, sans procéder du besoin, par un pur altruisme contraire à la primauté du Moi. Il faudrait, selon cette conception, aller contre le Moi de l'humaniste qui vise à l'assimilation du monde en vue de son propre bonheur ; la démarche vers l'Autre devrait s'opposer au souci de Soi ?

L'humanisme, en effet, s'est répandu à la Renaissance par opposition aux idées religieuses, qui interdisaient à l'homme de s'assimiler le monde en vue du bonheur. Selon la religion, le bonheur n'est pas de ce monde, mais de l'autre : du monde de la transcendance où se tient Dieu, un monde accessible seulement après la mort. En réponse, l'humaniste suggère que la recherche du bonheur en ce bas-monde et dans cette vie sur terre, reste une démarche légitime, et que le désir de rencontrer l'Autre doit pouvoir être concilié avec le souci de Soi.

 

Certains pensent que nous sommes arrivés à la fin de l'humanisme[7], et affirment : « Qu'une politique et une administration, guidées par un idéal humaniste, maintiennent l'exploitation de l'homme par l'homme et la guerre, c'est une inversion du projet raisonnable ».

Projet déraisonnable, bien sûr ! Mais les sociétés qui perpétuent l'exploitation de l'homme par l'homme et la guerre, sont-elles bien, en cela, guidées par l'humanisme ? Évidemment non !

La crise de l'humanisme proviendrait de la prétention illusoire de l'homme, d'intégrer l'univers dans sa conscience de Soi. Or, les progrès historiques de l'humanité ne sont-ils pas, au contraire, à mettre au compte de cette volonté humaniste d'intégrer l'univers dans la conscience humaine ? Et si l'humanité donne l'impression d'aller à sa perte, n'est-ce pas plutôt du à l'imperfection persistante des connaissances de beaucoup d'hommes sur leur propre nature et sur la nature en général, ainsi qu'à leur mépris de l'universel ? À quoi il s'ajoute la trop fréquente soumission aux prophètes du surnaturel et à tous ceux qui s'acharnent à maintenir une chape d'obscurité sur la conscience de l'humanité ?

Nous assisterions à la ruine du mythe de l'homme « fin en soi », car apparaîtrait aujourd'hui un ordre ni humain ni inhumain, l'ordre de la matière ; le matérialisme faisant de l'homme un produit de la Nature. Or, disent les spiritualistes, à l'origine de l'être et de l'univers il y a Dieu. Le Bien n'est pas donné par la nature. Il s'agit, venant d'autre part que de la Nature, d'une « élection par le Bien », irrécusable par l'élu. L'élu, sans se soucier de la responsabilité des autres à son égard, serait l'otage de tous les autres en étant responsable d'eux.

Cette affirmation d'une divinité extérieure au monde, cause omnipotente indépendante de la nature et choisissant des élus, c'est une idée du domaine de la métaphysique. Là aussi c'est une question de foi. En tout cas c'est effectivement une façon de voir l'humanité qui s'oppose à la conception humaniste, pour laquelle la fin reste la recherche du bonheur de tous les humains, indépendamment de toute présupposition sur une conception matérialiste ou spiritualiste de l'être.

Selon l'enseignement des sciences humaines, le sens émanant d'un être humain serait à rechercher dans un monde pur de toute idéologie, éliminant toute explication élaborée dans l'abstrait, répudiant toute affirmation n'offrant aucune possibilité d'expérimentation dans le réel. Pour ceux qui confondent l'humanisme avec le matérialisme, l'homme serait désormais réduit à un produit de son milieu.

Pour le spiritualiste, au contraire, l'homme serait étranger à l'être, à l'univers, à la Nature. Malgré les sciences, Marx, et la psychanalyse, il resterait l'idée d'un sujet, incapable d'être enfermée dans les limites de la Nature, l'idée d'un sujet transcendant.

 

Les sciences nous apprennent en effet, concernant les comportements humains, y compris ceux qui ont rapport au bien et au mal, à les rapporter à leurs composantes physiologiques, psychologiques et sociologiques. Cette attitude pourrait aboutir à renvoyer toute idée métaphysique de la personne dans l'idéologie, et à raisonner comme si rien dans l'homme ne pouvait provenir d'ailleurs que de la réalité naturelle, de l'éducation et de l'expérience de la vie. Les sciences humaines tendent ainsi à disqualifier toute subjectivité transcendantale et toute explication métaphysique, pour ne voir en l'homme qu'un produit de la Nature.

L'humanisme ne doit pas être confondu avec le scientisme, il veut considérer l'homme dans sa réalité, qui comporte une dimension non rationnelle d'idéalisation mystique de son être. Les règles de comportement individuel et collectif rapportées aux valeurs humanistes, imposent le respect des libertés de conscience, de pensée et d'expression. L'humanisme ne peut pas être confondu avec une quelconque idéologie matérialiste.

 

En résumé, l'idée du retour à une conception de l'homme animé par la transcendance, c'est-à-dire par Dieu, prétendrait rénover l'éthique de la relation à l'autre. Elle proposerait de repenser l'humanisme à partir de la valeur Dieu[8], et de le réactiver par l'instauration d'une morale inspirée d'une autre façon de penser les rapports de Moi avec l'Autre. Il s'agirait d'en finir avec la tentation de réduire l'Autre au Même et de le considérer en priorité désormais dans sa différence, dans son altérité.

 

Ceux qui cultivent la maxime selon laquelle « Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m'enrichis ! » ne peuvent qu'approuver cette idée générale : Oui ! Il faut penser l'autre dans sa différence. Mais prenons garde à ce que cette idée vertueuse ne recèle pas quelque perversité, comme c'est souvent le cas avec de grandes idées générales. Le premier risque de perversion étant la tentation communautariste, qui consiste à donner dans l'organisation sociale une importance déterminante aux différences, au détriment de l'égalité.

L'expression d'une relation de fraternité implique la réciprocité. Autrement dit je reconnais et respecte ta différence, à charge pour toi de reconnaître et respecter la mienne. Et ce respect à égalité doit s'établir dans une relation de fraternité mutuelle excluant l'agressivité autant que l'intolérance.

Enfin quand je dis : ta différence m'enrichit, cela veut dire que je peux, au moins en partie, la faire mienne, l'assimiler. Et pour que ceci soit possible, il faut partir de la considération du fait que nous avons en commun une fondamentale similitude.

 

Avec l'humanisme, l'homme occidental cherchant sa raison d'être, la voit dans la valeur « Homme ». Valeur devant engendrer toutes les valeurs et ouvrir aux individus un domaine aussi large que possible. Faut-il rejeter cet idéal, qui doit se traduire par la règle qui veut que le Bien soit ce qui est bon pour l'être humain et pour l'humanité ?

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En Conclusion : L'Autre est-il mon semblable, ou bien m'est il étranger ? Pour l'accepter, dois-je m'attacher aux similitudes ou plutôt considérer les différences ? Il semble bien que ce soit en considérant ce qu'il a de semblable à moi-même, que je puisse le mieux comprendre et accepter les différences de l'Autre, qui m'est à la fois semblable et différent.

L'humanisme ainsi bien compris n'est pas dépassé. Grâce à une relation de réciprocité entre individus différents mais égaux, il peut s'établir une relation mutuelle où chacun considère l'autre dans sa différence, pour ce qu'il est, sachant qu'en tant qu'humains ils ont de fondamentales similitudes qui les rapprochent et les mettent à égalité dans la grande fraternité humaine. Et ceci doit s'appliquer notamment à propos des différences de confessions religieuses ou d'idéologies, aussi bien qu'entre croyants et athées ou agnostiques.

 

En alliant l'amitié, fondée sur l'enrichissement mutuel à partir des complémentarités, à une morale prenant pour référence l'universalité de l'impératif catégorique kantien[9] : « L'autre n'est pas condamné à rester un étranger, mais peut devenir mon semblable[10]. » Si l'humanisme est défini comme la morale qui veut que le Bien soit ce qui est bon pour l'homme et pour l'humanité, il ne paraît nullement devoir être mis en question par une attention plus vigilante portée au respect des différences.

Dans l'expérience de la rencontre de l'Autre, il faut considérer concurremment sa différence et sa similitude, et résister à la tentation de simplifier. Aucun autre être humain ne m'est ni totalement semblable ni complètement étranger. Face à moi, la présence de l'autre témoigne de quelque chose qui nous dépasse tous les deux. Si j'ai la foi j'y verrai peut-être l'unité en Dieu ? Mais en tout cas elle témoigne d'une communauté de destin en l'humanité !

Enfin, s'il est excessif d'attribuer à l'humanisme les malheurs de l'humanité d'aujourd'hui, il est certainement nécessaire, dans un monde qui se globalise, de porter plus d'attention au respect des différences. Mais finalement, pour un humaniste, altérité rimera toujours avec fraternité.

La question reste : où trouver la clé pacifique de la relation à l'autre ? Certainement dans le vouloir vivre ensemble, plus que dans le confinement communautariste. Plus dans une laïcité bien comprise, que dans le recours à la transcendance religieuse. Enfin, certainement et surtout, dans l'accès de tous aux lumières de la raison par l'éducation de la jeunesse.

Claude J. DELBOS

 

 


[1] C'est de ce rapport à l'autre, à celui qui m'est étranger, sinon étrange, que nous allons parler en en partant d'une lecture critique d'un ouvrage d'Emmanuel Lévinas : « Humanisme de l'autre homme » 1.972.

[2] Encyclopédia Universalis, article « Altérité ».

[3] E. Lévinas ouv. cité.

[4] Comme Lévinas.

[5] Lévinas ouv. Cité.

[6] C'est ainsi que le propose Lévinas.

[7] Selon Lévinas.

[8] « Valeur qui se nomme Dieu. » (E. Lévinas, ouv. Cité p. 87.)

[9] L'impératif catégorique de Kant s'exprime ainsi : « Agis de telle façon que la maxime de ta volonté puisse servir à la fois en chaque cas comme principe d'une législation universelle ! » (Voir Encyclopædia Universalis)

[10] « Soi-même comme un autre » Paul Ricœur, 1.990.

 

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