ÉSOTÉRIQUES
PERVERSIONS
Pensant trouver un maître en cherchant un exemple
Il fut trop tôt séduit par son pouvoir et tremble
De perdre son modèle, trop ardant à copier
Avec application sa personnalité
Pour lui plaire toujours le craindre et l'imiter
En complaisant objet de son autorité.
S'abandonner sans frein au pouvoir d'un gourou,
N'est-ce pas abdiquer le plus humain courroux ?
Le pouvoir de l'esprit ce souverain pouvoir
Sur d'autres têtes agit plus que par le savoir
Par le regard la voix la présence et surtout
Par l'aplomb, mais aussi par quelque connaissance
Des ressorts commandant de la nature tout
Et du futur adepte un désir d'allégeance.
Intuition de l'humain perception des faiblesses
Tous ces tours par lesquels un autre esprit s'affaisse.
Naturellement faible avant d'être élevé
Notre esprit prête foi au sur-monde enchanté
Manifestant par tant d'invisibles présences
Le pouvoir de causer ce qu'on ne comprend pas ;
Tout un monde d'esprits désincarnés nous tancent
À l’imagination, en reprenant le pas
Sur le pénible effort de recherche en raison
Des causes naturelles ; bonjour superstition.
De ta fragile vie pour conjurer la mort,
À la divinité remets ton triste sort.
Pour l'aider dans la vie, tel en appelle aux anges,
Qui fait pourtant la bête sous son édredon.
Changeant de maître en tout il ne perd pas au change,
Recourant aux secours d'un familier démon,
Il cherche du sacré dans l'ombre de l'occulte
Et pour sa destinée, l'ordre des astres ausculte.
LE GROUPE
D'abord je suis allé au stade m'entraîner
Pour suivre deux amis qui m'y ont entraîné
L'un était Agenais et de Bordeaux un autre
Je devais donc les suivre étant Périgourdin,
Pour jouer au rugby foncer comme les autres.
Je m'y suis donc lancé avec beaucoup d'entrain,
J'ai appris l'important, la cohésion du groupe
Où chacun joue son rôle, comme dans une troupe.
Enfant de troupe habitué à la discipline,
Ma conception du groupe n'était pas très fine.
Il s'agissait surtout de bien marcher au pas,
De savoir s'aligner, qu'aucune tête ne dépasse,
Devant un supérieur saluer chapeau bas,
Ne jamais mettre un pied là où n'est pas sa place.
Pourtant honnêtement, je dois en vérité
L'avouer, mon esprit pensait en liberté.
Sans le vouloir, du groupe on prend l'identité,
Et si l'on n'y prend garde on est normalisé.
Au sein d'une communauté, l'individu
Se révolte, ou alors montre sa soumission.
Les rites en son esprit vont prendre le dessus.
En croyant s'exprimer il dit une leçon.
Solidaire d'un groupe et cependant soi-même,
Il faut penser tout seul et goûter ce qu'on aime.
Le gourou veut toujours se servir de l'adepte,
En faire l'instrument fidèle de la secte.
L'humain libre à lui-même doit rester fidèle.
Des exemples il veut bien, mais jamais de modèle.
Regarder loin devant, se conduisant en sage,
Dans quelle direction le conduit le passage.
L'initiation, sauvant sa personnalité,
Le conduit homme libre vers sa Vérité.
SAROTRAS
Dans le noir il s'est avancé vers la lueur,
Longtemps avant de voir le feu par sa fenêtre
Il vit la Vérité qu'il devait faire connaître,
Sans jamais effrayer, pour guider en douceur.
Plutôt que d'enseigner prudemment il suggère,
Montre et fait du réel constater la présence.
Il expose ses plans en explique le sens
Chassant l'obscurité répandant la lumière.
Traquant incessamment les douteuses présences,
Les fantômes empruntant des voies surnaturelles,
Il cherche les explications qui naturelles
Font la réalité malgré les apparences.
Il est maître de lui comme de l'univers,
Libre de ses pensées d'aimer ce qu'il préfère,
Entêté s'il le faut il a du caractère.
Mais il fuit sans regret les hommes aux goûts pervers.
Il marche dans la vie en flairant les dangers,
Sachant évaluer jusqu'où ira sa chance.
Sa première vertu est déjà la prudence.
Il sait voiler ses buts pour ne pas en changer.
Son destin de mortel est de s'anéantir.
Il n’éprouve pourtant pas la moindre détresse
Et vit sereinement ses jours avec sagesse
Acceptant sans frémir l’idée qu’il faut finir.
Dans l'espace et le temps dimensions infinies,
Un son vibre un instant, c'est ma vie, rien ne dure
Et cependant c'est une loi de la Nature :
Chaque note avec tout s'accorde en harmonies.
RASOTRAS
Il aborde tout autre comme un partenaire
Mais découvre souvent que c’est un adversaire
Tolérant et curieux pour lui la différence
Est à prendre en tout cas comme une belle chance
De comprendre l’humain dans sa diversité.
Mais l’autre bien souvent n’est qu’agressivité.
Il n’est qu’un homme il est sujet à l'émotion
Il est parfois tenté d’exprimer sa passion
Mais ayant bien compris que ce n’est pas son rôle
Il se tait un moment et ne prend la parole
Qu’après la réflexion et les sens apaisés
Regard droit la main ferme et la passion calmée.
L’esprit ouvert toujours acceptant de débattre
Refusant néanmoins pour jouter de se battre
Pacifique il n’a pas cette passion de vaincre
Raisonneur acharné il s’emploie à convaincre
Et par les arguments aspire à l'emporter
Sans jamais abaisser ni nuire ni blesser.
Convaincu que sur terre tout homme lui ressemble
Et que c’est le semblable en nous qui mieux rassemble
Il étudie bien l’autre et veut déterminer
Ce qui étrange en lui pourrait les séparer
Tâchant toujours de voir dans tout ce qui diffère
Ce qui peut l’enrichir étant complémentaire.
À ceux que tente le repli identitaire
Qui croient tous les prophètes du communautaire
Il montre la vertu de la laïcité
Seul lien capable de maintenir la Cité
Dans une pacifique et saine communion
Il est nous le voyons le Centre de l’Union.
CYBÈLE
Au culte qu'on te rend, Phrygienne, et que l'on suit
On voit tes corybantes célébrer la terre
Sa fécondité, ses récoltes et ses beaux fruits.
Tes dons à profusion divine grande mère
Faveurs que tu réserves aux Lions, seuls initiés
Ceux qui autour de toi travaillent en amitié
Et du pain et du vin apprécient les agapes
Que généreusement ta main dispense au soir
Au son des flûtes et des cymbales dans le noir
Dérobant à la vue tes extases sacrées.
Sortie de la forêt du vieux Périgord noir
Où sous le châtaignier se découvre le cèpe
Tu jardines courbée du matin jusqu'au soir
Et plus tard en soirée tu fais dorer des crêpes.
Sur cette terre enfin primitive et sauvage
Tu parles à tes enfants les sermonnant en sage.
N'as-tu d'Atys le berger égaré l'esprit
Que pour lui arracher ton sort ta liberté ?
T’avait-il enchaînée ou t'avait-il trompée ?
Ou bien de ta grandeur n'avait-il rien compris ?
Si comme toutes les mères tu fus si belle
Et si tous tes enfants ont béni tes vieux jours
C'est qu'entourée de chats, toute mère est Cybèle,
Un véritable grand symbole de l'amour.
La vie de tes enfants est issue de ton corps
Tu leur a tout donné tu les as voulus forts
Terre prédestinée, ta nature féconde
Sous une écorce fruste ayant tant de douceur
Au monde des vivants pour la course au bonheur
Ajouta trois danseurs à l'éternelle ronde.
HÉCATE
Quand l'ombre efface la lumière
Alors ravissante beauté
Tu séduis, oh nature altière
Tout homme au carrefour égaré.
Divinité propice ou parfois malfaisante
Tu ordonnes les cycles et tout ce qui enfante.
Ta délicate carnation
Se pare de fils d'or troublante Séléné,
Fille de la Nature en un monde enchanté
Ton charme allume la passion.
Alors la magie se dévoile
Ta douce voix secrète enchante
Quand Isis enlève son voile
Jouant de sa grâce indécente.
Toi qu'Hadès enleva et maintint dans ses fers
Tu te conduis alors en reine des enfers.
La nuit ton prisonnier toujours
S'épuise en vain d'amour, vil jouet de tes fêtes,
Il découvre au matin que le monstre a trois têtes
Et fuit la lumière du jour.
Tu est d'abord la belle et promets la douceur
Ton visage est ouvert et rayonne de charme
Par des traits attirants d'une étrange pâleur.
Mais bientôt ta candeur alarme,
Masque trompeur dissimulant un cœur de pierre,
Enchantement cachant une nature impie,
Car goupillant tes tours en usant de magie,
Tu es Hécate la sorcière.
VESTALE
Fille de Kronos et Rhéa
Elle est la gardienne du feu
Sacré sur l'autel de Vesta.
Elle y a mis sa vie en jeu.
Le plaisir dont son vœu de chasteté la prive
Lui vaudrait pour le coup la mort, enterrée vive.
La sauvegarde de Pallas
Déesse présidant au destin de la guerre
Assure sa vertu bien mieux encor qu'un père
Dans le Temple où sa vie se passe.
C'est une jeune femme chaste
Elle a quitté guitare et fifres
Pour vivre sans luxe ni faste
Etudiant la magie des chiffres.
Elle vit désormais studieuse et retirée
Cultivant de l'esprit la flamme si sacrée.
Voix de la raison souveraine
Elle examine le problème en son entier.
Avenante mais fière elle a le port altier
Comme d'une antique romaine.
Jamais nul ne parvint à bien la mettre au pas
Caractère rétif, adorée par son père
Elle eut la liberté de faire des faux pas
Ce dont elle ne profita guère.
Ayant gardé pour Dieu une ferveur spéciale
Elle a toujours une lumière dans les yeux.
Une forte passion, la théorie des jeux
Tient cette moderne vestale.
ABRAHAM
Ses tentes ses moutons ses chèvres ses chameaux
Avaient campé aux alentours de l'Ur antique.
Le patriarche fier conduisait ses troupeaux
De Sumer en Chaldée, près du Golfe Persique.
Babylone qu'il contourna
Dans le désert croissait déjà.
Vers Chanaan marchait la tribu d'Abraham
Pour y trouver de l'eau et de verts pâturages.
Il comptait vivre ici le reste de son âge
Et là s'élèverait son âme.
Avec Dieu il conclut cette troisième alliance
Vœu de fidélité, de sainte adoration
Que devrait respecter toute sa descendance
Ainsi elle deviendrait une grande nation.
Dieu exigea le sacrifice
D'Isaac son fils préféré.
Sur le Sinaï il est monté
Pour aller remplir son office.
Il gravit la montagne, haut lieu du sacrifice
Parvenu au sommet il prépara l'autel
L'enfant tendit la gorge au coutelas mortel.
L'ange arrêta le bras. À la place de son fils
Abraham égorgea l'agneau sacrificiel.
Depuis lors Dieu offrit son saint fils au supplice
Sacrifiant à son tour ce qu’il aimait le plus.
Les enfants d'Isaac comme ceux d'Ismaël
Et plus tard les Gentils, émules de Jésus,
Ont tous rêvé depuis, pour mériter le ciel,
D'être fidèle à Dieu comme Abraham le fut.
L'ASTROLOGUE
A-t-il lu mon destin le soir dans les étoiles,
Pour des nuages noirs bien déchirer les voiles ?
Pas du tout ! Simplement il sait son calendrier,
Beaucoup plus compliqué que celui des pompiers,
Donnant tout en détails au quidam palpitant
Des promesses que font son signe et l'ascendant.
LE MAGE
Pour lui tout l'univers n'est que surnaturel
Les anges et les dieux nous gouvernent du ciel
Tous les êtres sur Terre étant faits de limon
Sont sans cesse assiégés des suppôts du démon
Parmi les hommes il est le seul en tant que mage
A saisir des esprits ce que dit leur langage.
Artiste pontifiant féru d'astrologie
Pratiquant avec brio l'art de chiromancie
On lui prête à l'envi don de divination.
Simon rata pourtant bien sa résurrection.
Il passa néanmoins pour un sorcier puissant.
Son émule il est vrai est toujours très savant.
Il agit sur l'esprit connaissant l'aliment
Somnifère ou poison, excitant, condiment,
Les parfums les odeurs et les puissants arômes
Par la respiration produisant des sarcomes.
Il connaît de ses mains l'effet des palpations
Capables d'engendrer d'intimes sensations.
Parant d'obscurs symboles une parole aisée
Il sait conditionner de l'autre la pensée.
De l'environnement conservant la maîtrise
Pour créer le climat dont le gogo se grise,
Des planètes appelant le fluidique effluent
Il prétend au psychisme ajouter des courants.
Poète scientifique il se prenait pour Faust
Communiquant avec l'Esprit sûr et sans faute
Un jour de blues enfin ayant pris le métro
Le hasard lui a fait rencontrer Méphisto
Voir des éléphants roses hanter Ris Orangis
Et croire avoir vécu la nuit de Walpurgis.
LE SORCIER
Quand le quidam lassé de ne voir à ses maux
Qu'indifférence à lui des puissances d'en haut
En tout cas incapables de tuer sa maladie,
Désespéré furieux devant tant d'incurie
Il se décide un jour et vient sauter le pas
Pour demander secours aux puissances d'en bas.
Le sorcier peut aider c'est sûr et par ses soins
Obtenir le succès par l'aide du Malin.
Mais son meilleur client que l'ambition tenaille
Veut tuer son concurrent le mettre sur la paille
Ou pouvoir révéler de quoi faire partir
Ce patron qui voudrait barrer son avenir.
Sorcier l'expert en soins occultes et magie noire
Fait déguster du sang remplissant un ciboire
Il goupille ses tours toujours de la main gauche
Et ne répugne pas aux jeux de la débauche
Jetant son dévolu sur gretchen la jolie
Il ira jusqu'au bout la laissant en folie.
Si vous vous promenez un peu tard dans le soir
Et voyez sur son mur un inquiétant chat noir
Baillant de tous ses crocs devant la pleine lune,
Méfiez-vous de ne pas jouer votre fortune.
De même avec prudence écartez la pécore
Qui vous proposerait du suc de mandragore.
Si au soir d'Halloween il vous mène au sabbat
Craignez au petit jour d'être sur un grabat
Après avoir subi les terribles outrages
Que ces gens là pratiquent en chœur les soirs d'orages,
Camouflant là leur goût de la perversité
Sous le dehors laqué de la modernité.
THÉOSOPHIE
Le Sage sait agir au lieu que de parler
Pour lui la Déité, il sait, n'est pas un Autre
Tout l'univers des Formes se meut d'interférer
Lien entre ses parties tenant les unes aux autres.
Notre Père divin est là dans le secret
Non pas extra cosmique et non pas transcendant,
Être intérieur, il est beaucoup plus près
Comme immanent à tout, universel présent.
Car chaque individu est en soi-même un Temple
L'Esprit divin habite en les êtres ici bas
D'en avoir la conscience est humain il me semble
Encore que tous les hommes ne l'ont sûrement pas.
L'homme est très limité mais d'essence infinie,
L’esprit borné peut voir un Esprit absolu
Par Vouloir, mutation spirituelle aboutie,
Pierre philosophale : problème résolu.
Pouvoir de volonté par procédé occulte
Peut abolir l'ego pour le Soi supérieur
De l'égoïsme noir et impie fuir le culte
Pour d'amour et de paix cultiver son bonheur.
Oui c'est à toi ma Mère qui est dans le secret
De mon cœur pour toujours qu'enfant je me confie
C'est de toi par amour que j'ai reçu la vie
Quand j'aurai épuisé mes jours je serai prêt.
DÉITÉ
Faut-il bien croire en Dieu le père tout-puissant ?
Projection gigantesque en forme de surhomme
Fantôme anthropomorphe annoncé aux enfants
Pour un rêve doré enchanteur de leurs sommes.
Du néant tout à coup voir jaillir l'infini
Comme d'Ain Soph émanent en grand les Séphiroth
C'est de rien fabriquer la nature infinie.
Pourtant le mage en l'athanor cherche l'Azoth.
L'alchimiste a traqué la racine du Tout
Un principe divin universel caché
L’esprit de la nature, il l’a cherché partout.
On le dit panthéiste et le traite en athée.
Il n'imagine pas un Dieu dans chaque pierre
Dans la source ou dans l'arbre aucun esprit malin,
Il cherche seulement le Logos dans la Pierre
Car s'il est infini l'Unique est en tout point.
Il voit la déité éternelle incréée
Animant ce qui vit partout dans la nature
Deus ex machina dans l'atome cachée
Brûlant de tout son feu dans toute créature.
Immanente énergie créatrice puissante
Poussant de l'intérieur au dessus tout autour,
Matière en mouvement, évolution constante,
Dans le temps immobile élaborant les jours.
Déité émanant la pensée absolue
Esprit partout présent, spirituelle substance
Perceptible et pourtant jamais dans l'étendue
Où la matière seule abonde sa présence.
CLAUDE J. DELBOS